Mittwoch19. November 2025

Demaart De Maart

„House of Gucci“Qu’importe l’ivresse, pourvu qu’il y ait le flacon ?

„House of Gucci“ / Qu’importe l’ivresse, pourvu qu’il y ait le flacon ?
Malgré un casting alléchant, „House of Gucci“ déçoit

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Malgré un casting cinq étoiles et les rumeurs quant aux Oscars à venir, Ridley Scott passe complètement à côté de l’émotion qu’aurait pu contenir „House of Gucci“.

La famille Gucci. Que l’on s’intéresse à la mode ou pas, on en connaît forcément le nom et la marque de vêtements qui y est associée. En s’appuyant sur le livre de Sarah Gay Forden, Ridley a voulu retracer le parcours de cette famille italienne, en s’intéressant en particulier à Patrizia Reggiani, incarnée par Lady Gaga, la brebis noire de la famille, celle qui fit tourner la tête de l’héritier Maurizio Gucci et se mêla des affaires d’une dynastie.

Doit-on l’aimer, ou la mépriser? Etait-elle une gold digger ou représentait-elle au contraire un souffle neuf et une ambition porteuse, face à la paresseuse tradition d’une longue lignée incapable de grandir vers son plein potentiel ? Ces questions auraient pu constituer le sel du film et d’un personnage riche et ambivalent, mais elles restent finalement assez secondaires. Tant et si bien que l’on finit par ne plus savoir ce que Ridley Scott pense de Patrizia Reggiani, et par se demander s’il a simplement cherché à raconter une nouvelle version de l’histoire de pauvres petits hommes riches victimes d’une mante religieuse vénale.

Malgré un casting qui réunit les grands noms du cinéma outre-Atlantique, d’Adam Driver à Al Pacino en passant par Lady Gaga et Jared Leto, le film ne décolle jamais. Pourtant, ce n’était pas faute de grosse production – à n’en juger que par les décors, les costumes et la bande-son.

Durant les 2h37 que dure le film, Ridley Scott prouve que, malgré un budget à faire pâlir les réalisateurs indépendants (75 millions de dollars américains), il sait laisser son public de marbre, sans éveiller en lui la moindre émotion. Exception faite de la franche irritation suscitée par l’accent italien plus ou moins réussi que s’applique à prendre la brochette d’acteurs américains réunis. A croire qu’il sera bientôt décerné un Oscar du „Meilleur accent italien par un acteur né outre-Atlantique“.

De marbre 

Jared Leto semble prendre tant de plaisir à l’exercice que sa propre jouissance, après avoir été agaçante, finit, à l’usure, par être relativement contagieuse. Et puis on s’accroche à ce qu’on peut pour tenter d’éprouver quelque chose ! Las, la mélodie des phrases, les voyelles ouvertes et autres roulements de [r], s’ils font sourire, ne transmettent pas la colère, la douleur ou la jalousie – tous les sentiments qui auraient dû habiter les scènes et les personnages.

Ils sont tous là, à gesticuler, à s’énerver, à s’accuser, à s’aimer, à se séparer, mais leur vaine agitation nous laisse indifférents. Les décors – notamment la Villa Necchi Campiglio à Milan, la Villa Balbiano à Ossuccio ou encore la Villa Loubenò à Gressoney-Saint-Jean – pourraient apporter faste et la grandeur au film, mais c’est le contraire qui se produit: on est irrité de voir les moyens qui ont été mis en œuvre pour un film absolument sec, dénué de profondeur, amputé de sa véritable chair. Un vaste projet superficiel, clinquant, maquillé des hits des années 80, de musique italienne et de morceaux classiques cherchant péniblement à ajouter un supplément d’âme. En vain. Le casting étoilé gigote sur la piste de cirque, sans jamais que les âmes des personnages n’apparaissent.

On finit par s’ennuyer ferme et se demander pourquoi de tels scénarios creux sont encore portés à l’écran avec des budgets aussi faramineux, si c’est pour laisser le spectateur froid comme la neige sur laquelle Adam Driver slalome aux côtés de Camille Cottin. L’emploi que Scott fait de cette dernière est à l’image du film  – ou comment réduire une actrice intelligente, capable de subtilité, d’humour et de profondeur, à une potiche platine uniquement bonne à lancer des regards supposés langoureux et sexy à Driver.

La bande-annonce de „House of Gucci“ résume toutes les promesses non tenues: il y avait de quoi passionner, donner à voir l’envers du décor, faire exploser la passion et les conflits intérieurs, créer un personnage de Patrizia Reggiani aux fascinantes et multiples facettes. Scott ne satisfait aucune attente. Sans propos fort, sans mise en scène, sans travail d’acteurs autre que celui d’une diction dont on se demande la réaction qu’elle provoquera chez le public italien, ce film a de quoi profondément énerver et remettre en cause la façon dont le septième art est financé et soutenu.